Comment le Bénin organise sa lutte anti-terroriste ? Dans sa riposte contre les groupes armés terroristes, le Bénin a initié l’opération Mirador lancée en 2022. Dans un entretien diffusé par RFI, le colonel Faïzou Gomina qui est le commandant de cette opération fait un point de cette lutte. Des zones touchées par le terroriste, les négociations en cours avec le Burkina pour éradiquer le fléau, l’intervention militaire de la CEDEAO au Niger... le commandant de l’opération mirador fait un point.
Quelles sont actuellement les zones géographiques au Bénin qui sont les plus exposées à la menace terroriste ?
Globalement, on peut parler de la région de l'ouest. Toute la bande à partir de Porga jusqu'à Daloga. Cette bande est frontalière au Burkina Faso. C'est une région dans laquelle il y a beaucoup de menaces, beaucoup d'IED et même des mines qui sont détectées ou qui explosent au passage des pauvres populations. En dehors de cette zone, on peut également citer au niveau de la frontière avec le Niger dans la commune de Karimama, quelques menaces qui sont récurrentes.
Qui est-ce qui attaque le Bénin?
Globalement, pour ce que nous savons, d'après nos services de renseignements et ce que nous constatons sur le terrain et aussi les revendications qui ont été faites, il s'agit globalement des démembrements du groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM).
Qui se trouvent où ?
Pour ce que nous savons des renseignements, c'est que leur base principale, c'est au Mali. Donc, il y a des démembrements qui sont au Burkina Faso et à partir duquel des infiltrations sont opérées au niveau du Bénin. Mais pour l'instant, nous n'avons encore constaté la présence d'aucune cellule permanente au Bénin.
Qu'est-ce qui vous fait être si sûr de vous pour dire qu'il n'y a pas de cellule au Bénin ? Le territoire est grand, il y a beaucoup de zones très sauvages
J'ai dit que nous n'avons pas encore constaté donc c'est ça qui me rassure. Le jour où on aura la preuve qu'il y a une cellule implantée de façon permanente, là, je vais revenir sur mes mots.
Quand pensez-vous vous pouvoir ouvrir le parc de la Pendjari ?
Nous nous sommes prêts. Nous estimons que la sécurité est maximale au niveau des parcs et que ces parcs peuvent être ouverts, mais nous attendons naturellement la décision politique, puisque c'est une décision politique qui les a fermés ces parcs.
Qu'est-ce qu'il faut d'après vous, pour mettre un terme aux menaces terroristes au Bénin ? Qu'est-ce qui manque ?
Oui, c'est vrai, nous avons des besoins. Au regard de la menace qu'il y a de plus en plus, pour mieux protéger nos populations qui sont exposées aux mines et aux explosifs, il nous faut renforcer premièrement notre lutte contre les IED. Cela passe par la détection, donc beaucoup plus de matériel de détection, beaucoup plus de matériel d'action, de vision nocturne pour voir ces poseurs d'IED. Je crois que ça permettra de mieux protéger les populations.
Vous avez l'impression d'avoir progressé quand même depuis le début de votre engagement contre les groupes terroristes ?
Beaucoup. Nous avons beaucoup progressé. Nous avons très vite appris de nos failles, tout au début, puisque nous n'étions pas préparés. Mais aujourd'hui, je peux vous assurer que les personnels, les militaires béninois sont de plus en plus aguerris, que nous avons de plus en plus de matériels pour faire face à la menace. Et nous sommes de plus en plus déterminés, beaucoup plus déterminés que par le passé pour sécuriser nos frontières. Un seul centimètre carré du territoire ne sera laissé à l'ennemi.
Mais les pays sahéliens sont confrontés depuis dix ans. Qu'est-ce qui ferait que le Bénin serait mieux placé ?
Vous savez, deux ou trois raisons. Premièrement, la géographie du Bénin qui fait que la position de nos parcs et des cours d'eau constituent pour nous déjà un premier abri. Ensuite, nous avons des populations résilientes et qui renseignent, qui coopèrent avec les forces de défense et de sécurité. Et après, la discipline de nos hommes et la coopération qu'on a avec nos voisins et les armées étrangères.
Comment se passe la coopération avec le Burkina Faso ? Je crois qu'il y a un droit de poursuite désormais. Vous pouvez faire des incursions. Est-ce que ce droit de poursuite est déjà appliqué ?
Au niveau de l'initiative d'Accra, il y a certaines mesures qui ont été dictées, mais qui ne sont pas ne sont pas encore sérieusement en vigueur. Nous avons voulu, avec le Burkina, avoir un deal bilatéral. Notre chef d'État s'est rendu au Burkina Faso.
Une délégation militaire également s'est rendue au Burkina Faso, rencontrer les autorités militaires, pour nous aider, nous deux, aussi bien le Burkina que le Bénin, parce que cette lutte est une lutte qui ne peut pas être menée par un seul pays. Donc, il faut la coopération. Elles ont a priori donné l'acceptation. Elles vont nous revenir certainement, mais dans les prochaines semaines pour qu'on mette sur pied un plan définitif d'intervention.
Donc, il n'y a pas encore d'accord signé entre le Burkina Faso et le Bénin concernant cette question-là ?
Il y a des accords tacites qui permettent, oui, d'aller à quelques kilomètres, mais pas beaucoup plus.
Est-ce qu'une opération, une intervention militaire de la CEDEAO est toujours à l'ordre du jour au Niger ?
Ça ne concerne pas l'opération Mirador, donc je n'en sais rien. Ce sont des décisions politiques.
Réalisation : Cette interview a été réalisée par Radio France Internationale (RFI)
Transcription : Libre Express
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