Voici l'intégralité de la décision rendue par la Cour constitutionnelle du Bénin
DÉCISION EL 23-002 DU 05 JANVIER 2023
La Cour constitutionnelle,
Saisie d'une requête en date à Cotonou du 03 janvier 2023 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 0006/002/REC-23, par laquelle monsieur Wilfried B. G. VIAHOUNDE, Directeur adjoint de cabinet du Président du Parti politique MOELE-BENIN, forme un recours contre la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA), pour violation des articles 110 du code électoral et 35 de la Constitution.
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï monsieur Razaki AMOUDA ISSIFOU en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi n°2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle : « Les décisions et avis de la Cour constitutionnelle sont rendus par cinq conseillers au moins, sauf cas d'empêchement ou de force majeure dûment constaté au procès-verbal» ;
Considérant que l'indisponibilité de messieurs Rigobert A. AZON, et André KATARY et de madame Cécile Marie José de DRAVO ZINZINDOHOUE, Conseillers, constitue un cas d'empêchement qui habilite la Cour à statuer avec seulement trois (03) de ses membres ;
Considérant que le requérant expose qu'une étude minutieuse par croisements de la liste des coordonnateurs d'arrondissement et de celle des membres des postes de vote publiées par la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) révèle sept (07) doublons en ce qui concerne les coordonnateurs d'arrondissement et six cent quinze (615) doublons pour ce qui est des membres des postes de vote ; qu'il ajoute que des personnes sont le même jour et pour la même élection, à la fois, coordonnateurs d'arrondissement et membres de postes de vote ; qu'il fait observer à titre d'exemples, les cas des messieurs :
- OROU Sanni qui est à la fois coordonnateur de l'arrondissement de Perma et président du poste de vote PV n°1 au centre de vote de EPP Kontoubabou dans l'arrondissement de Tchaourou ;
- SAGHI Mathieu qui est coordonnateur de l'arrondissement de Savalou-Agbado et premier assesseur du poste de vote EPP Tiari dans l'arrondissement de Gouandé dans la commune de Matéri ;
- KOTO Medessè Yves qui est à la fois 2ème assesseur au poste de vote (PV n° 3) du centre de vote EPP Zoundji dans l'arrondissement de Gomè-Sota dans la commune d'Akpro- Missérété et 2ème assesseur au poste de vote (PV n°1) au centre de vote collège Sion au quartier Boriyouré dans l'arrondissement de Natitingou 2, commune de Natitingou ;
- AFORA HODONOU Philippe qui est président du poste de vote (PV n°2) du centre de vote EPP Gbowèlè dans l'arrondissement de Paouignan dans la commune de Dassa-Zounmè et président au poste de vote (PV n°2) du centre de votre EPP Badara au quartier Doumbouré dans l'arrondissement de Goumori, commune de Banikoara ;
Considérant qu'il demande en conséquence à la Cour, au vu de ce qui précède, en se fondant sur son pouvoir d'organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics, de dire et juger que la CENA, en publiant des listes avec autant d'imperfections, a violé l'article 35 de la Constitution ;
Considérant que le président de la CENA, par l'organe de son Conseiller technique juridique, monsieur Fidèl BOSSOU, comparaissant à l'audience du jeudi 05 janvier 2023, affirme que la CENA s'est rendue compte des doublons relevés par le requérant avant même la saisine de la Cour et qu'elle a pris toutes les dispositions pour corriger ces imperfections à l'occasion de la formation des coordonnateurs d'arrondissement et des membres des postes de vote ;
Vu les articles 35 de la Constitution et 66 du code électoral ;
Sur la violation de l'article 35 de la Constitution par la CENA
Considérant que l'article 35 de la Constitution dispose : « Les citoyens chargés d'une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l'accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l'intérêt et le respect du bien commun » ;
Considérant qu'il résulte du dossier que le requérant fait grief à la CENA d'avoir publié des listes des coordonnateurs d'arrondissement et des agents de postes de vote avec des doublons, notamment sept (07) doublons pour les coordonnateurs d'arrondissement, sur un total de cinq cent quarante-six (546) ; et six cent quinze (615) doublons des membres de postes de vote , sur un total de (53 247), ce qui représente un taux d'imperfection de 1,28% pour les coordonnateurs d'arrondissement et 1,15% pour les membres de postes de vote ; qu'au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que les imperfections relevées par le requérant sont minimes et ne peuvent suffire à caractériser le manque de compétence, de conscience, de probité, de dévouement ou de loyauté ; qu' il s'ensuit que la CENA n'a pas violé la Constitution ;
Sur le grief de dysfonctionnement de l'administration électorale
Considérant qu'aux termes de l'article 66 du code électoral : « Le poste de vote est tenu selon qu'il s'agit d'élection seule ou d'élections couplées par trois (03) ou cinq (05) agents électoraux… En cas de défaillance du président du poste de vote, il est automatiquement remplacé par un des assesseurs. En cas de défaillance d'un membre de poste de vote autre que le président constaté à l'ouverture du scrutin, celui-ci est remplacé au plus tard une heure (01) de temps après l'ouverture du scrutin. Si, au cours du scrutin, il est constaté la défaillance d'un membre de poste de vote autre que le président, il est pourvu sans délai à son remplacement. Le remplacement se fait par le président du poste de vote qui choisit au sort parmi les électeurs présents sachant lire et écrire le français. Mention est portée au procès-verbal… » ;
Considérant qu'il résulte de la disposition suscitée que la CENA, en tant qu'autorité administrative indépendante, dispose d'une réelle autonomie et d'un pouvoir discrétionnaire pour la nomination et le positionnement des agents électoraux ; que l'exercice de tels pouvoirs, prévus par la loi, est de nature à éviter tout blocage ou tout dysfonctionnement de l'administration électorale ; qu'outre cette possibilité qu'offre la loi et qui permet de combler les vides éventuels lorsqu'un agent électoral, en raison d'une situation de doublon n'est pas à son poste, les dispositions ont été déjà prises par la CENA pour corriger les dysfonctionnements relevés qui, au demeurant, ne sont pas de nature à nuire à la régularité, à la crédibilité et à la transparence du scrutin ; que dès lors, il y a lieu de dire qu'il n'y a violation ni de la loi électorale ni de la Constitution.
EN CONSÉQUENCE,
Dit qu'il n'y a violation ni du code électoral ni de la Constitution.
La présente décision sera notifiée à monsieur Wilfried B. G. VIAHOUNDE, Directeur adjoint de cabinet du Président du Parti politique MOELE-BENIN, à monsieur le président de la CENA et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le cinq janvier deux mille vingt-trois,
Messieurs
Razaki AMOUDA ISSIFOU
Président
Sylvain Messan NOUWATIN
Vice-Président
Fassassi
MoUSTAPHA
Membre
Le Rapporteur,
Le Président,
Razaki AMOUDA ISSIFOU.
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