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Zones urbaines industrialisées Cotonou-Abidjan : un supplice au prix du développement

La vie dans les zones urbaines et périurbaines présente d’énormes avantages avec tous les services à la disposition de ses habitants. Mais cette belle vie rime bien souvent avec les désastres environnementaux d’origine anthropique, c’est-à-dire liés à l’activité humaine. L’industrialisation en fait partie et contribue à la qualité de l’air modifiable par des polluants. En plus de la pollution liée au trafic routier, les habitants des villes de Cotonou (Bénin) et Abidjan (Côte d’Ivoire) sont ainsi soumis au diktat des industries agroalimentaires, de l’énergie thermique, de raffinerie, de l’habillement, et bien d’autres. Nous avons basé notre étude environnementale sur le cas des brasseries et des cimenteries qui contribuent considérablement à la dégradation de la qualité de l’eau et de l’air avec un fort impact sanitaire et environnemental sur les populations riveraines.

Vue partielle de la CimBénin alors qu’elle est sommée de délocaliser son unité de production.

Vue partielle de la CimBénin alors qu’elle est sommée de délocaliser son unité de production.

Contrairement à la pollution d’origine naturelle, la pollution liée aux activités humaines est principalement concentrée dans les zones urbaines et périurbaines. Ce qui occasionne l’exposition d’importantes populations. C’est fondamentalement cette caractéristique qui fait de la pollution atmosphérique un problème de santé publique.

 

La pollution de l’air dans les villes africaines est donc devenue un mal profond, accentué par l’importation massive et sauvage non seulement de véhicules d’occasion alimentés par du carburant de qualité douteuse, mais également par l’installation d’unités industrielles en pleine agglomération. La facture est très lourde tant du point de vue économique que sanitaire.

 

À Cotonou, tout comme à Abidjan, des quartiers n’échappent pas à cette tendance. À Cotonou par exemple, dans une étude publiée en 2011 par Agodokpessi, Adjobimey, Hinson, Fayomi et Gninafon sur la pollution atmosphérique et pathologie respiratoire en milieu urbain et tropical à Cotonou, Bénin, la concentration de monoxyde de carbone a dépassé 18 mg/Nm3 au niveau des principaux carrefours pour cause de trafic routier et 25 mg/Nm3 dans les zones où sont implantées les industries. Selon l’Agence béninoise de l’environnement (ABE), plus de 83 tonnes de gaz carbonique et 36 tonnes d’hydrocarbures sont libérées chaque jour à Cotonou et le secteur industriel consomme ¼ du volume total de carburant utilisé (2018).


Dans une étude réalisée en 2018 sur l’état de l’air à Cotonou et dans les zones industrielles, ABE a relevé qu’il y a de nombreux gaz, notamment le gaz carbonique, le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre, le dioxyde d’azote, le benzène et le plomb. Le Bénin, selon le rapport de Climate Watch data, occupe la 121e place sur le plan mondial avec une émission de carbone de 25.78 MtCO2e en 2021, soit 0,05% et la grosse émission provient des villes comme Cotonou.

 

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À l’entrée de la ville de Cotonou se situe l’une des plus grandes industries de cimenterie du Bénin, CimBénin. Implantée en plein cœur de la ville de Sèkandji depuis 1991, CimBénin dispose d’une capacité de production de 650 000 tonnes par an, selon Annual report 2020 du groupe HeidelbergCement, maison mère de CimBénin . À Placodji, zone commerciale de Ganhi, l’un des quartiers commerciaux de la ville de Cotonou, la Société des ciments du Bénin (SCB) s’est implantée avec son unité de production de ciment bouclier. La Société de brasserie du Bénin (SOBEBRA), l’autre industrie étudiée lors de notre enquête, s’est implantée en plein cœur de la ville de Cotonou, à Akpakpa (PK2.5). Elle emploie plus de 500 personnes directes et près d’une centaine d’ouvriers saisonniers.

 

À Abidjan, notre travail s’est intéressé aux unités industrielles, notamment de la zone industrielle de Yopougon (ouest) et de Koumassi (sud). À côté de ces zones bien connues, l’on recense des activités industrielles un peu partout ces dernières années. En effet, la politique de développement lancée par les autorités ivoiriennes ont donné naissance à plusieurs cimenteries installées à plusieurs endroits de la capitale ivoirienne.

 

Dans une récente enquête de nos confrères du site Nord Sud Info, la question de l’implantation des cimenteries et brasseries avait été évoquée. L’Agence de gestion et de développement des infrastructures industrielles (Agedi) reconnaît l’existence de quelques failles dans le processus d’installation des unités industrielles en Côte d’Ivoire, plus particulièrement à Abidjan. L’on parle aussi de décisions “diplomatiques” outrepassant les décisions du régulateur. Si au plan économique, ces installations ont une raison d’être, cela constitue un danger sur le plan environnemental et sanitaire.

 

Les industries, les dangers environnementaux


Chaque jour, un adulte inhale 10 000 à 20 000 litres d’air composé en moyenne de 99% d’oxygène et d’azote. Néanmoins, cet air peut également contenir divers polluants pouvant être à l’origine d’effets sur la santé. Et ces polluants proviennent tant des trafics routiers que des industries. Les sociétés de cimenterie et de brasserie y contribuent fortement, surtout avec l’implantation de certaines dans des agglomérations.

 

La création des industries dans les villes urbaines a fait place à plusieurs effets néfastes sur l’environnement. À Abidjan par exemple, les zones industrielles ont toutes des endroits d’eaux stagnantes et des dépôts d’ordures. Ces facteurs avaient déjà été évoqués dans une étude du Journal international des sciences biologiques et chimiques. Le cas environnemental de la zone de Koumassi a été particulièrement traité par plusieurs chercheurs.

 

La création d’unités industrielles a augmenté considérablement les déchets tant plastiques que chimiques. Cette augmentation s’explique par le flux des commerces qui ont lieu autour des usines. En ce qui concerne les déchets chimiques, l’on a constaté des eaux stagnantes signalées çà et là. Selon des riverains de la zone d’Andokoua (Côte d’Ivoire), certaines sociétés déversent leurs déchets dans les eaux de ruissellement en cas de fortes pluies.

 

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La biodiversité est nettement impactée par les zones industrielles. En effet, le système d’implantation des entreprises qui nécessite une déforestation exigeante, crée la perte et la disparition de nombreuses espèces animales et végétales. A la Zone Industrielle de Yopougon, on imagine déjà ce qu’était cet espace avant 1948 la date de création des zones industrielles. Aujourd’hui, transformé en QG de l’industrie Ouest-Africaine, ce site de près de 500 h regorge plus de 400 entreprises et a vue les espèces disparaître.

 

Près de la Forêt du Banco (Côte d’Ivoire), des espaces ont été aménagés pour satisfaire la forte demande de ces industries modernes. Toutefois, l’État a pu y créer un parc national, mais les espèces qui y vivent sont constamment menacées pour cause de la proximité des unités industrielles qui dégagent beaucoup de particules dans l’air.

Dans un entretien, Armel Hinvi, toxicologue au laboratoire nationale d’analyse biomédicale (ministère béninois de la Santé), a signifié que depuis 2013, les particules de l’air extérieur sont classées comme cancérigènes pour l’Homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

 

“La toxicité de ces particules proviennent à la fois de leur composition et de leur taille. Plus les particules sont fines, plus elles sont capables de pénétrer profondément dans l’organisme et de passer par la circulation sanguine vers d’autres organes”, a-t-il soutenu.

 

Tout comme les autres industries de cimenterie, la CimBénin et la SCB émettent abondamment des polluants tels le Dioxyde de soufre et ces particules fines – PM10 et PM 2,5. Le dioxyde de soufre est un gaz incolore pouvant devenir suffocante à forte concentration. Quant aux particules fines -PM10 et PM2,5, elles sont constituées d’un ensemble très hétérogène de composés : sels, composés carbonés organiques, éléments traces ou encore carbone élémentaire.

 

En plus de ces polluants, les industries de cimenterie et brasserie émettent des oxydes d’azote, des hydrocarbures et composés volatiles tels que l’acétaldéhyde, le benzène, le dichlorométhane, le formaldéhyde, le perchloroéthylène, le toluène et le xylène. L’exposition prolongée à ces gaz constitue des sources de problèmes sanitaires et environnementaux.

 

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La conséquence la plus visible sur l’environnement est l’effet de salissure sur les bâtiments, le patrimoine historique notamment, entraînant des coûts pour leur remise en état. Les dépôts de poussière sur les feuilles des arbres, limitant les échanges gazeux. Ils ont ainsi un impact sur le développement de la végétation.

 

Le contenu en substances toxiques que contiennent les particules (composés organiques, métaux) peut se retrouver dans l’environnement et polluer ainsi les eaux de surface ou souterraines, les sols. C’est le cas à Placodji, Cotonou (Bénin), où la berge de l’océan atlantique (à 500 m environ de la SCB) est régulièrement couverte de poussière avec une menace pour la population aquatique.

 

Sur le plan climatique, certaines particules contribuent au refroidissement alors que d’autres comme le carbone noir participent au réchauffement. Ils ont donc des impacts sur les écosystèmes tels que les pluies acides et l’eutrophisation (une forme singulière, mais naturelle, de pollution de certains écosystèmes aquatiques).

Sur le plan sanitaire et selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (Rapport WHO global air quality guidelines 2022), neuf citoyens sur dix, vivant en milieu urbain, sont exposés à un air chargé en particules fines, ce qui représente un risque pour la santé des individus.

 

En absence de données significatives actualisées quant à la quantification de ces gaz dans l’atmosphère, l’étude réalisée par Agodokpessi signale que ces industries ciblées émettent des quantités largement au-dessus de la norme nationale fixée à 0,150mg/m3/h pour une exposition moyenne de 24 heures. Au niveau d’Akpakpa (PK2.5), de Sèkandji et de Placodji, la concentration pour le dioxyde de soufre (SO2), varie de 1 à 9 parties par million (ppm) pour une norme de 1,3mg/m3/h. Au même moment, les Oxydes d’azote (NOx) sont de l’ordre de 50 µg/m3 pour une norme de 0,2 mg/m3/h selon la même étude.

 

Dans un rapport de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), l’institution se penchait sur les impacts négatifs des cimenteries. Ces impacts négatifs de la fabrication de ciment sont liés à la manipulation et à l’entreposage des matériaux (particules), à leur broyage (particules) et au fonctionnement des fours et des dispositifs de refroidissement du clinker (particules ou « poussières de four » et gaz de combustion contenant du monoxyde et du dioxyde de carbone, des hydrocarbures, des aldéhydes, des cétones, des oxydes de soufre et de l’azote). Les rejets de charges des fours (pH élevé, matières en suspension, solides dissous, principalement du potassium et des sulfates) et les eaux de refroidissement (chaleur résiduelle) sont des sources de pollution de l’eau. Les lixiviats qui s’écoulent des matériaux entreposés et des aires d’évacuation des déchets polluent les eaux superficielles et souterraines.


Les émissions de poussière, et en particulier de silice, constituent un grave danger pour la santé du personnel de l’usine. Les niveaux sonores auxquels sont exposés les employés représentent également un risque. Le bruit et le passage des camions peuvent être source de désagrément pour les communautés avoisinantes. À l’échelle du microclimat et de l’environnement direct pour les résidents de ces zones péri-urbaines, les risques environnementaux et sanitaires s’avèrent dévastateurs.

 

Une exposition aux risques cancérigènes

 

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a documenté, dans sa publication du 17 octobre 2013, que la pollution atmosphérique est l’une des premières causes environnementales de décès par cancer.

 

En raison de leur capacité à pénétrer profondément dans les poumons et la circulation sanguine, il a été constaté que plus la particule est petite, plus le risque pour la santé est élevé. En dehors des effets à court terme sur la santé humaine (toux, irritation, écoulement nasal et l’essoufflement), ces polluants sont à l’origine des maladies cardiovasculaires, des maladies respiratoires et des cancers du poumon. Ainsi, les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes ou encore les personnes ayant des problèmes respiratoires peuvent être particulièrement sensibles aux particules fines.

 

J’ai failli perdre mon enfant de deux ans en 2018”, témoigne Jacques Gnonlonfoun, propriétaire résidant juste à la clôture de la CimBénin à Sèkandji, Bénin. Tout a commencé avec une toux, raconte Jacques. “En moins de trois jours, mon enfant commence à avoir un essoufflement, des difficultés à respirer et une crise qui l’a conduit dans un coma. À la clinique, le médecin pneumologue, après l’avoir réanimé, a diagnostiqué la présence des particules  fines PM2,5 dans ses poumons. Quatre ans après, mon enfant a toujours une difficulté respiratoire et trimballe toujours les séquelles.

 

“Le Dioxyde de soufre (SO2) provoque une irritation des muqueuses, de la peau et des voies respiratoires (toux, gène respiratoire, troubles asthmatiques). C’est également un précurseur de particules secondaires en se combinant, sous certaines conditions, avec les NOx”, a souligné Armel Hinvi, toxicologue.

 

Les populations vivant près des zones industrielles de Yopougon et de Koumassi ont révélé lors d’un micro trottoir qu’elles se sentent menacées par les industries. C’est le cas par exemple de Angèle F. qui souligne que les bruits assourdissants des machines de production est l’un de leurs gros soucis.

 

Parfois, quand les machines se mettent à tourner, nous ne pouvons plus communiquer aisément. Nous sommes obligés de nous rapprocher pour mieux nous entendre. Le comble, c’est pendant la nuit. Si nous nous mettons au lit au moment où les machines fonctionnent, on se réveille avec un mal atroce à la tête, nous confie cette ménagère vivant dans le quartier Andokoi installé en pleine zone de Yopougon.

 

Dans la zone industrielle de Koumassi, les riverains se plaignent de la poussière en saison sèche et aussi de la boue en saison pluvieuse. “La forte affluence des véhicules de livraison a fait que les routes sont dégradées. Cette situation fait qu’il y a toujours de la poussière dans nos maisons. Nous sommes constamment enrhumés et de temps en temps même, certains saignent du nez”, nous a confié Marcel K.

 

Vue de l’état de route de Andokoi, Yopougon

 

Pour Joseph Kouassi, Médecin généraliste au Centre médical Mariama de Yopougon MICAO, les zones industrielles sont parfois des foyers pathogènes. “Le médecin affirme que certaines personnes présentent des cas de problèmes respiratoires. “Nous avons des patients qui ont des problèmes respiratoires. À ce niveau, il est difficile d’alléguer que ce sont réellement les effets des industries installées ici, mais je peux vous assurer qu’elles y contribuent“, a-t-il affirmé.

 

Laurent Hounton a perdu sa maman de 75 ans en 2019 pour cause de troubles respiratoires, alors que sa famille résidait à Placodji, à quelques mètres de la SCB. Aujourd’hui, Laurent a déménagé et s’est installé à Djeffa dans la commune de Sèmè-Podji, commune frontalière à Cotonou afin de fuir ce qu’il appelle “désastre environnemental et sanitaire de Placodji”.

 

Cotonou : la société SCB en illégalité 

 

Sommée de délocaliser son usine pour violation du décret N° 2001-289 du 8 août 2001 portant approbation du plan d’aménagement de la zone de Ganhi, la SCB continue de fonctionner malgré la confirmation de cette mesure en conseil des ministres le 8 juillet 2021. Du compte rendu de ce conseil des ministres, le gouvernement rappelle qu’il a demandé aux responsables de la SCB, depuis juin 2020, de programmer le déménagement de l’unité de production pour le 30 juin 2022 au plus tard. Il justifie cette décision par le fait que « l’existence de cette société dans une zone de grande concentration urbaine est source de désagréments causés aux riverains de même qu’à l’environnement ».

 

En tout état de cause, à cette date, précise le gouvernement en juillet 2021, il sera mis un terme aux activités de la société qui disposera alors, à partir de cette échéance, d’un délai maximum de 6 mois pour procéder au démantèlement de son outil industriel et libérer définitivement le site au plus tard le 30 décembre 2022. Mais à quelques jours de cette échéance du gouvernement, rien ne présage une telle délocalisation de cette unité de cette zone.

 

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Dans un entretien, Hubert (nom d’emprunt pour raison de sa sécurité professionnelle), un des responsables de la SCB, nous a confié “que la société des ciments du Bénin ne pourra jamais délocaliser ses installations tant que le gouvernement continue d’exécuter les grands travaux dans le pays”.Nous sommes l’un des plus grands fournisseurs de ciments de qualité au gouvernement pour ses travaux de tout genre“, renchérit l’agent qui requiert l’anonymat.

 

Face aux injonctions du gouvernement, la société SCB, portée sur la pratique de la Responsabilité sociale des entreprises (Rse), a acquéri un domaine dans la commune de Sèmè-Podji sur lequel les travaux ont déjà démarré, mais l’allure des travaux ne pourra pas permettre, selon le responsable interrogé, à la société de s’installer avant le 1er janvier 2023.En absence de cette délocalisation, l’unité de production de cette société des ciments du Bénin, continue de fonctionner avec autant de dégâts environnementaux listés supra.

 

Au Bénin et en Côte d’Ivoire cependant, un cadre légal existe pour empêcher une proximité trop forte entre ces industries et la population. Mais cette disposition législative n’est toujours pas respectée dans ces deux pays.

 

La législation, et pourtant… 

 

Au Bénin comme en Côte d’Ivoire, les gouvernants ont pris des mesures et des dispositions pour protéger l’environnement, mais l’application des textes reste un défi majeur. Les autorités ivoiriennes ont pris de récentes dispositions pour respecter les normes industrielles internationales en créant de nouvelles zones loin de la ville.

 

Dans une volonté de s’acquitter de ses obligations internationales résultant de cette multitude de textes et surtout de préserver son environnement, la Côte d’Ivoire a adopté la loi n° 96-766 du 3 octobre 1996 portant Code de l’environnement. Par ailleurs, elle a intégré dans son droit des dispositions à valeur constitutionnelle que sont : l’article 19 de la loi n° 2000-513 du 1er août 2000 portant Constitution de la Côte d’Ivoire, qui dispose que : « le droit à un environnement sain est reconnu à tous » et l’article 28 stipule que « la protection de l’environnement et la promotion de la qualité de la vie sont un devoir pour la communauté et pour chaque personne physique ou morale ».

 

Le législateur béninois a, quant à lui, réglementé toute émission de polluants dans l’atmosphère. Des normes sont définies et toute personne physique ou morale se doit de s’y conformer aux fins de la préservation de la santé des populations. L’article 47 de la loi N° 98-030 du 12 février 1999 portant loi cadre sur l’environnement en République du Bénin stipule que “(…) les industriels sont contraints d’exploiter ou d’utiliser de manière à satisfaire les normes techniques en vigueur en matière d’émission dans l’air. L’article 48 de la même loi renchérit que lorsque les personnes responsables d’émission de polluants dans l’atmosphère au-delà des normes fixées par l’administration n’ont pas pris de dispositions pour être en conformité avec la réglementation, le ministère leur adresse une mise en demeure, nonobstant les poursuites pénales éventuelles“.

 

Se basant sur cette disposition législative, le gouvernement du Bénin, lors du conseil des ministres du mercredi 28 juillet 2021, a confirmé la délocalisation de la société des ciments du Bénin (SCB). Cette dernière devrait s’exécuter depuis le 30 juin 2022, dernier délai d’une décision de délocalisation ordonnée en 2003 en conformité avec le décret N° 2001-289 du 8 août 2001 portant approbation du plan d’aménagement de la zone de Ganhi.

 

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Aussi, le gouvernement a-t-il ordonné la délocalisation de Cimbénin qui a ses quartiers à Sèkandji (périphérique de Cotonou) dans la commune de Sèmè Podji et de la SOBEBRA installée à Akpakpa, PK 2,5. Il est reproché à ces entreprises, installées en pleine agglomération, d’émettre de fortes poussières, de contribuer à la pollution de l’air, nuisible à la santé des populations. En 2009, une décision de la Cour constitutionnelle avait jugé l’implantation de ces deux sociétés comme étant une violation de l’article 27 de la loi N° 90 – 32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin modifiée en 2019.

 

La SOBEBRA, fonctionnant sur son site d’Akpakpa, PK2,5 malgré les dégâts environnementaux.

 

Aussi, le gouvernement béninois a-t-il signé la convention sur les changements climatiques le 13 juin 1992 et l’a ratifiée le 30 juin 1994. En mai 2003, le Bénin a mis en place une Stratégie Nationale de mise en œuvre au Bénin de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. En mars 2012, le Bénin a également adopté la déclaration de la Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable (RIO+20) et qui définit les normes en matière d’émission de polluants.

 

Au cours de leur session parlementaire du jeudi 24 juin 2021, les députés béninois de la 8e législature ont souhaité la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire aux fins d’évaluer les dégâts causés par les sociétés CimBénin, la SCB et la SOBEBRA avant leur délocalisation. Mais jusqu’à ce jour (26 novembre 2022), cette commission d’enquête n’a jamais vu le jour et les dégâts sanitaires et environnementaux continuent dans ces zones.

 

Malgré cet arsenal juridique, Nelly Hountondji, spécialiste en environnement-santé, développement durable et membre de l’ONG Save our Planet, constate que le mal persiste pour faute d’actions ferme des dirigeants.“L’État a aussi contribué à l’entêtement de ces sociétés qui créent pourtant d’énormes dégâts sanitaires et environnementaux. Force doit rester à la loi”, recommande-t-elle.

 

Face à l’absence de fermeté dans les décisions et de sanctions adéquates définies par les législations de ces deux pays, les responsables des sociétés incriminées continuent d’opérer librement, parfois au mépris des règles environnementales. En attendant des actions plus concrètes, les riverains de ces industries à Cotonou et à Abidjan continuent de subir le diktat de ces tueurs silencieux que sont les polluants de l’eau et de l’air.

 

Les États face aux objectifs des COP

 

Dans le cadre de la COP26 à Glasgow, tous les États ont été invités à réviser leurs objectifs et mesures climatiques nationaux d’ici fin 2022. L’objectif, en ce moment, était de poursuivre le maintien du réchauffement bien en dessous de deux degrés. À la COP21, les États participants avaient déjà défini comme objectif, le réchauffement limité à 1,5°, l’utilisation des énergies fossiles et l’implication d’acteurs de la société civile, entre autres.

 

L’atteinte de ces objectifs requiert donc des efforts considérables de la part des dirigeants de chaque pays et ceux du Bénin et de la Côte d’Ivoire n’en sont pas exemptés. Mais pour réussir, il faut plus d’actions et de fermeté, surtout dans le respect des dispositions législatives en vigueur dans ces deux pays. “Ce qui n’est malheureusement pas le cas dans nos villes africaines“, conclut Nelly Hountondji de l’ONG Save our planet.

 

NB : Cet article a été rédigé par Josaphat Finogbé (Bénin) et César Kouamé (Côte d’Ivoire) dans le cadre du projet « Afrique de l’Ouest face au changement climatique » avec le soutien de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO).

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